Solo Piano "Ostinato"

"Choc" jazzmag / "Elu" Citizen Jazz

Le Nouvel Observateur – Janvier 2010

Un de nos grands inclassables du piano qu'on rêvait d'entendre en solo. C'est fait. Sur un Steinway admirable, François Raulin improvise sur onze compositions personnelles (plus Lotus Blossom de Billy Stayhorn) avec une liberté totale. Splendeur du toucher, finesses polyrythmiques, ostinatos (il aime les figures "répétitives" des musiques africaines), on le suit jusqu'au bout avec bonheur.

 

 Jazz Magazine - Août 2010

"Ce qui frappe d’emblée chez François Raulin quand on l’entend en solo c ́est la densité du discours. Densité mélodique, harmonique et rythmique.
Les accords touffus, les brisures rythmiques, les basses telluriques sous-tendent tantôt des mélodies souvent simples voire minimalistes, de petites ritournelles obsédantes dont la ligne de chant se décale progressivement dans un style qui pourrait évoquer le Dollar Brand des années 70, tantôt des envolées de main droite d’une richesse mélodique et rythmiquehallucinante.

Mais c’est aussi et surtout Lennie Tristano – à qui le pianiste grenoblois a souvent fait référence – qu’évoque le jeu de Raulin. Par le toucher d’abord, très physique, au fond des touches, et en cela charnel derrière une apparente austérité dans la forme héritée de Bach, influence qu’il a en commun avec le pianiste chicagoan. Par le débit ensuite, qui parfois évoque ce “maelström” dont Tristano a utilisé le nom pour intituler un de ses plus fameux morceaux. Par la maîtrise et l’usage de la résonance enfin, dont Raulin se sert comme d’un halo sonore pour donner au piano une dimension orchestrale.

Car c’est autant le compositeur que l’instrumentiste qu’on entend à travers ce solo intense : rigoureux, exigeant, virtuose et porteur d’un discours dont la beauté sonore et la cohérence formelle se dévoilent au fur et à mesure d’un concert dont la dimension lyrique ne se donne à entendre qu’au prix d’une extrême attention de l’auditeur, qui est le pendant de l’investissement du musicien.

Rien d’étonnant, donc, dans le fait que le seul standard de ce répertoire soit “Lotus Blossom” écrit par l’immense Billy Strayhorn. Strayhorn, Tristano, Monk (au passage), Brand et Raulin : une filiation qui explique que ce dernier sonne de façon aussi moderne et intemporelle et qu’il puisse faire défiler sous ses doigts tout un pan de l’histoire du jazz sans tomber dans le patchwork ou l’hommage tel qu’ils se pratiquent de plus en plus souvent, sans compter un brin d’humour final quand, après une thème débridé qui pouvait évoquer Keith Jarrett il remercie ses hôtes allemand de l’avoir invité à donner son propre « Köln Concert ». François Raulin : une voix singulière sur le piano et un musicien littéralement « habité »."

Ludovic Florin / Jazz Magazine - janvier 2010

"Avec son deuxième disque en piano solo (seulement), peut-être que la position de François Raulin va enfin être reconnue à sa juste valeur. Car avec Ostinato il calme tout le monde. Comme le titre l'indique, il s'impose certaines figures sur presque toutes les pièces de cet album hallucinant et attachant : ostinato irrégulier main gauche, superposition métrique (on pense au Ballet Mécanique d'Antheil, au Musica Ricercata de Ligeti), perpetuum mobile main droite avec improvisation hyper précise main gauche, etc. Ajoutez à cela un sens mélodique, timbral (il y a du Cécil Taylor dan Roulé-boulé), une pulse remarquable (du swing jusqu'à cette sorte de "funk alla Solal" sur Arrabiata) et vous êtes en présence d'un très très grand disque."

Arnaud Robert / So What – Janvier 2010

François Raulin, l’un des pianistes qui nous rend euphoriques en Europe, a des pluies dans le toucher, des résonances dans le lamellophone africain. Il travaille solo. Dans les armatures d’un instrument dont il veut atteindre le tréfonds. Un acharnement calme devant des notes qu’il atteint par hasard, une manière légère ne pas laisser glisser. Dans un « Outre Noir » des grands espaces, Raulin touche à la solitude multiple des géants. Quand l’élémentaire d’un outil, sa pédale et des marteaux, saisit l’indicible.

Pierre de Chocqueuse / Blog de Choc – Janvier 2010

Little Nemo s’éveille évoque des images. Les notes émergent doucement, comme si, sortant d’un long sommeil, elles s’étiraient pour se mettre à parler, raconter. Les harmonies du morceau relèvent de l’enchantement. En solo, François Raulin prend son temps, joue les mêmes courtes phrases d’une musique onirique tout en y introduisant des variations délicates. Sa virtuosité est manifeste dans Arrabiata, Mahalia, Le mécano de la générale ou Roulé-boulé, compositions aux motifs rythmiques obsédants qui convoquent les graves du clavier et utilisent leurs résonances, la sonorité du piano se voyant magnifiée par l’enregistrement. La main gauche répète irrégulièrement un motif rythmique. Puissante et mobile, la droite improvise de nouvelles figures, tant rythmiques que mélodiques, François Raulin trouvant toujours des solutions pour donner chair aux ostinato qu’il imagine et développe. Comme le signale Ludovic Florin dans le dernier numéro de Jazz Magazine/Jazzman, sa musique évoque parfois les “Musica Ricercata“ de György Ligeti dont la septième pièce, Cantabile, molto legato, fait effectivement penser à certains morceaux de ce disque, ceux dans lesquels les rythmes, souvent asymétriques, occupent une place centrale. Le sens mélodique du pianiste prend toutefois le dessus, non seulement dans sa magnifique reprise de Lotus Blossom, mais encore dans une bonne moitié des compositions de cet album. C’est à certaines “Etudes“ de ce même Ligeti que l’on pense alors, Arc-en-ciel ou En suspens, deux andantes, se retrouvant dans L’appel de la forêt ou Images de décembre, des pièces tendres qui partant de figures simples, s’enrichissent progressivement de notes, bercées par le va-et-vient d’ostinato accompagnant le rêve.

Franpi Barriaux / CitizenJazz – Janvier 2010

François Raulin est de ces pianistes que l’on retrouve, au gré des formations, en trio ou en quintet, avec un plaisir toujours renouvelé tant son univers est riche de couleurs et d’atmosphères.
Dans l’exercice de la solitude, l’interprète livre en général le cœur de sa musique. Les délicieux passages secrets de ses mélodies intérieures, Raulin nous les ouvre ici, entre évocations coloristes d’illusions méditatives, films sensibles aux contours flous et abstractions sensuelles.

Dès les premières notes de « Little Nemo s’éveille », le personnage de Windsor McKay semble sortir d’une boîte à malice debussyenne. C’est alors toute une poétique qui se met en place ; elle peut être labyrinthique dans « Arrabiata » ou en équilibre instable sur la mélodie tournoyante du bien nommé « Meccano de la Générale »...

C’est cependant dans l’évocation de la nature que le pianiste prend toute son ampleur. En effet, que ce soit la finesse ciselée de « L’appel de la forêt » ou la douceur immatérielle d’« Images de décembre », tout ici évoque les contrastes estompés d’une gravure zen, à laquelle le standard « Lotus Blossom » apporte la touche finale. Les accents très ellingtonniens de ce morceau de Billy Strayhorn inscrivent la musique de Raulin dans la lignée raffinée du jazz évocateur.

Ostinato est à la fois une découverte et un lieu étrangement familier, une latitude élégante au milieu des continents que le pianiste a déjà visités pour se nourrir de rythmes et de couleurs. Un lieu onirique peuplé de mélodies introspectives traçant le portrait sensible et feutré d’un musicien tout en « ostinatos » lui-même, autant dans les rythmiques appuyées, répétitives et recherchées de la main gauche que dans son obstination à vouloir proposer une musique luxueuse, belle, capiteuse... on pourrait presque dire entêtante, tel un alcool qui suggérerait l’ivresse sans jamais la susciter vraiment.

JazzOcentre – Janvier 2010

Je me souviens très bien de la première fois que j'ai vu François Raulin sur scène, mais pas trop de la date. C'était au (défunt) festival Jazz au fil de l'eau de Parthenay, dans un duo à deux pianos avec Stephen Oliva. Et je garde en mémoire une soirée étonnante, déroutante, finalement enthousiasmante.

Mais François Raulin, qu'il me pardonne, c'était d'abord pour moi le pianiste de Louis le Magnifique. Un gage de confiance absolue, en même temps qu'une forme de handicap. Au fil des années, j'ai suivi Louis, et j'ai perdu François en chemin.
C'est lui qui m'a retrouvée. Ou plutôt sa musique, à travers "Ostinato", cet album tombé par je ne sais quel sortilège entre mes mains.

Je suis méfiante face aux albums de piano solo. J'ai peur de m'ennuyer. "Ostinato" n'ennuie pas, il envoûte. Dès les toutes premières notes, aigües et cristallines, de Little Nemo s'éveille, il attire l'attention. Aux premières basses percutantes d' Arrabiata, le philtre agit. Arrive Mahalia et le tour est joué : accro !

Il reste dix morceaux pour assouvir la dépendance, et ça ne suffira pas. "Ostinato" repart pour un nouveau tour complet. Et repart encore. Et encore. Encore.
Elle est puissante, la potion du sorcier Raulin. L'élégance mélodique, le martèlement rythmique, les basses résonnantes et profondes, les cascades de notes chatoyantes, les motifs répétés, l'énergie pétillante ou retenue, sensuelle... tout ça donne sacrément envie d'en reprendre.

L'agaçant Meccano de la générale mis à part - mais je n'ai jamais été fan d'Histoires sans paroles - "Ostinato" de François Raulin est un pur concentré de plaisir. Fort.

Sophie Chambon / Les Dernières Nouvelles du Jazz – Décembre 2009

On a beaucoup de raisons d’aimer ce disque : François Raulin déploie un enthousiasme communicatif pour parler du jazz et en jouer, un sens certain de la mélodie et de l’harmonie, une vraie science des arrangements. Ostinato est son deuxième album solo qu’il sort sur le Label Forge, production grenobloise avec lequel le pianiste continue un travail collectif d’improvisations.

Traversé par un désir constant de musique et de jeu, ce pianiste nous fait partager son goût des belles mélodies qui restent en mémoire comme une évidence.
Ainsi en est-il du « Lotus blossom » du merveilleux Billy Strayhorn, alter ego du Duke, compositeur de quelques-uns des plus beaux standards de l’histoire du jazz, qui, sous les doigts du pianiste, devient la mélodie épurée d’un film imaginaire, minimaliste et émouvant.

Ostinato ? Une figure répétée pendant une partie ou tout un morceau, qui remplit un rôle expressif. L’album porte bien son nom, car la douce insistance, la subtilité harmonique, le choix des demi-teintes allié à un sens rythmique rigoureux et souple sont la marque de la musique de François Raulin.

Une élégance musicale irréprochable, qui gagne au fil des thèmes en intensité et en force persuasive, les tempos étant habilement alternés : d’un premier titre très doux, « Little Nemo s’éveille » où le piano cristallin commente à mi-voix, on passe sans effort à
« L’appel de la forêt » précis et délié, ou à des compositions alertes, plus tendues, voire entêtantes « Ziggedi ».

Virevoltants ou obsédants, mais toujours lyriques, ces thèmes entraînent vers une intimité partagée, chez soi, ou entre amis.
Après un « roulé-boulé» très nerveux, on finit cette promenade musicale sur « Images de décembre », une ballade de circonstance où domine cette impression ouatée et floconneuse, persistante, sans éclats trop vifs, de ritournelle sous influence.

On reste avec cet Ostinato sous l’emprise de ce pianiste, et ce, pour notre plus grand plaisir.